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Tu Bosses
11 novembre 2015

Les nouvelles fractures de la politique française

L'extrême gauche veut tout faire pour garder la Grèce dans la zone euro mais ne se prive pas pour autant d'afficher sa défiance vis-à-vis de l'Union européenne. La crise grecque a brouillé les repères politiques traditionnels : la séparation distincte entre europhiles et eurosceptiques et le clivage gauche-droite ont volé en éclat. La crise grecque a fait passer la classe politique au révélateur. Aujourd'hui de nouvelles familles semblent émerger dans la vie politique française. Quelle cartographie peut-on établir à partir de ces positions qui ont évolué? Cette cartographie est très complexe puisqu’elle appelle des jeux annexes qui prennent souvent le dessus, comme ces jeux concurrentiels pour les régionales et les présidentielles. Ainsi, un Mélenchon, qui tente de faire oublier qu’il fut ministre socialiste, tente de surfer sur une vague populiste et anti-européenne, sans d’ailleurs aucune possibilité d’y réussir car la place est prise par le FN, sans se préoccuper de questions de fond. Il y a ceux qui soutiennent la Grèce à partir de leur logique souverainiste ou prétendument telle, anti-austérité et populiste, avec le Front de Gauche, les Frondeurs socialistes, le FN, les souverainistes de droite. Il y a ceux qui ont le courage d’affirmer leur volonté de rigueur et de respect des règles. Ceux-là sont néanmoins divisés entre un camp strict, qui veut que la Grèce accepte les mesures ou sorte, et un camp plus laxiste, qui voudrait un échelonnement, ce qui se trouve surtout chez les socialistes qui ne veulent pas s’annihiler les soutiens de l’extrême-gauche. Il y a ceux, le plus grand nombre, qui naviguent à vue, sans conscience, sans souci de la France, prêts à laisser passer, ou non, les 320 milliards dus, dont plus de 40 milliards à la France, les 32 milliards demandés, les milliards donnés par les fonds européens, les mensonges, la xénophobie de Syrisa, en fonction des sondages et des calculs d’intérêt, selon l’adage d’Edgar France « Ce n’est pas la girouette qui tourne, mais le vent ». Pour la morale et la grandeur de la France, ils n’ont pas pris d’abonnement. Pas un parti ne sortira indemne de cette crise. Et il est temps de faire la clarté. Cette clarté me paraît pouvoir s’énoncer ainsi : une France forte dans une Europe forte. Ce qui va contre la ligne actuelle vers laquelle tend François hollande pour satisfaire sa gauche : une France faible dans une Europe faible. On voit bien que, avec l’Europe, la division traditionnelle entre la gauche et la droite est devenue en grande partie caduque, voire factice. C’est un théâtre d’ombres. François Hollande mène exactement la même politique que son prédécesseur, et si la droite revenait au pouvoir, elle ferait la même chose que le gouvernement actuel. Concernant les recompositions politiques, il est difficile de se projeter sur l’avenir. Mais il est effectivement possible, du moins si la crise s’aggrave, que l’on assiste à des rapprochements entre la gauche et la droite. Un gouvernement de coalition est certes plus difficile qu’en Allemagne, qui a l’habitude de ce genre de situation en raison. En France, la culture du compromis est moins forte et le clivage gauche-droite fait toujours sens pour les électeurs. Cela dit, sur le plan idéologique, les obstacles idéologiques sont minimes. Quant à l’autre bout de l’échiquier, un rapprochement des mouvements anti-européens paraît encore plus difficile, mais est-il impossible ? On imagine effectivement mal le FN se mettre d’accord avec le Front de gauche pour organiser une coalition électorale. Mais après tout, si la crise se poursuit, et si la direction actuelle du FN parvient à lever définitivement l’hypothèque Jean-Marie Le Pen, les jeux sont ouverts. Rappelons que Marine Le Pen a souhaité la victoire de Syriza et qu’elle ne tarit pas d’éloges pour Alexis Tsipras, dont le gouvernement est justement composé d’une coalition entre la gauche radicale et la droite souverainiste, qualifiée par certains observateurs de coalition « rouge-brun ». Dans quelle mesure peut-on parler aujourd'hui d'une véritable confusion des clivages partisans traditionnels? En vérité, nous sommes dans un éclatement des partis qui révèle, paradoxalement, le retour du régime des partis. D’abord, il nous faut dire que la crise grecque découvre ce qui a été couvert, car elle ne crée par les clivages de fond que nous voyons aujourd’hui. Ils sont là depuis bien longtemps, ils ont simplement été recouverts soit par des considérations tactiques pour répondre à des logiques électorales et des ambitions personnelles, soit par des discours technico-bureaucratiques où l’économie prétendait dicter ses obligations à travers la fameuse théorie de la construction de l’Europe par en haut à coups de petits pas. Il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir des débats de 1992, sur le Traité de Maastricht. Nous avions bien une démonstration de l’impertinence du clivage droite contre gauche dont l’archaïsme se révèle encore aujourd’hui. À droite, au RPR, Séguin et Pasqua avaient pris la tête de l’opposition au Traité contre Edouard Balladur et Jacques Chirac. À gauche, Jean-Pierre Chevènement, les Verts et le parti communiste s’opposaient à François Mitterrand. Il n’y a guère qu’au centre, favorable au « oui » et au FN, favorable au « non » qu’apparaissait une certaine cohésion. Encore faut-il noter déjà que ni un camp ni l’autre n’était soudé autour d’un même projet, voire d’une même motivation. Ces camps étaient, comme aujourd’hui, des alliances de circonstance. Par exemple, Philippe Séguin est pour le « non » au nom de la « souveraineté nationale », tandis que les Verts d’Alain Lipietz étaient pour le « non » au nom de la construction européenne. Et si les libéraux étaient pour le « oui » ce n’était pas au sens où les socialistes de François Hollande l’étaient. Or, les clivages au cœur des partis, loin d’avoir été réglés par le vote de 1992, ont évidemment grandi avec le développement de la mondialisation. Ils ont conduit au rejet du Traité présenté en 2005. On a vu ainsi l’explosion du PS, avec Laurent Fabius, Christiane Taubira, Arnaud Montebourg et Bernard Cazeneuve qui ont appelé au « non ». Ces clivages aujourd’hui ont néanmoins pris une nouvelle dimension. Car aux clivages de fond, qui sont les mêmes, se sont ajoutés des considérations tactiques. Et nous sommes entrés dans le régime des partis. Cela explique ce qui surprend tout commentateur impartial : que ceux qui veulent abattre l’euro, soient prêts à saluer un parti grec qui veut rester dans l’euro. Au moins officiellement. Cela explique aussi l’incroyable mollesse et l’apparente lâcheté de la position française.

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