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Tu Bosses
25 août 2016

Rassembler les droites ?

Diplômé de Sciences Po Paris et d'une licence d'histoire, Jérôme Sainte-Marie a travaillé au Service d'Information du Gouvernement et à l'institut Louis Harris. Il a ensuite dirigé ensuite BVA Opinion de 1998 à 2008 puis CSA Opinion de 2010 à 2013. Il a fondé en parallèle l'institut iSAMA en 2008. Il dirige actuellement Pollingvox, une société d'études et de conseil spécialisée dans les enjeux d'opinion, fondée en 2013. Il publie ces jours- ci, Le nouvel ordre démocratique (Editions du Moment). L'introspection à laquelle se livre ces jours-ci le Front national génère une impression globale de difficulté qu'il convient immédiatement de relativiser: pour le parti de Marine Le Pen, il ne s'agit, à ce stade du moins, que d'une crise de croissance. Plus du quart des Français, 27%, ont aujourd'hui une bonne image de cette formation politique, et autant de sa présidente, selon le tout dernier baromètre de l'institut BVA. De plus, ces niveaux sont stables, dans une période où la cote de la plupart des personnalités politiques s'affaiblit. Ces chiffres sont d'ailleurs très proches du score de premier tour des listes FN (près de 28%), avec une différence cependant: tandis que les résultats électoraux atteints en 2015 sont sans précédent, les niveaux enregistrés actuellement par les sondages montrent une certaine stabilisation. Tout le problème, pour ce parti sans allié, est que si cela le place dans une position très favorable pour passer en tête le premier tour de la prochaine élection présidentielle, la marge le séparant d'une victoire au second n'en est guère diminuée. Dès lors se pose la question d'une éventuelle inflexion idéologique pour à la fois renforcer son emprise électorale, et simultanément dissoudre le «front du refus» sur lequel ses candidats se fracassent le plus souvent. Les idées, en effet, jouent pour le Front national un rôle sans équivalent dans les autres grandes formations politiques. A gauche comme à droite, une longue sédimentation historique a ancré des traditions de vote dont la géographie électorale montrent l'existence en même temps qu'elles en révèlent l'actuelle érosion. Nombre d'électeurs du Parti socialiste ou du parti Les Républicains font leur choix ni par adhésion, ni par rejet d'un autre parti, mais plus simplement par habitude familiale et personnelle. C'est ainsi que l'on peut parfois être «de gauche» ou «de droite» en donnant à cette identité un sens bien éloigné du contenu programmatique du parti que l'on choisit. Il en va autrement pour le Front national, qui n'a une présence électorale significative que depuis une quarantaine d'années, alors que celle de ses concurrents s'étend, sous des appellations parfois diverses, sur plusieurs générations. De plus, la faiblesse persistante de son réseau d'élus rend la pérennité du vote en sa faveur plus fragile que pour les formations qui disposent d'un maillage ancien de collectivités territoriales. Enfin, la rapidité de sa croissance électorale sous la direction de Marine Le Pen renforce la vulnérabilité de l'édifice en cas d'une inflexion inadaptée de sa ligne. C'est pourquoi se pose de nouveau au Front national la question de son orientation stratégique : doit-il, dans la logique de son discours « ni gauche, ni droite », rechercher l'union de la France du « non », celle rassemblée lors du référendum de 2005 ? Ou bien doit renforcer son emprise sur l'électorat traditionnel de la droite au point, un jour, de représenter celle-ci au tour décisif ? C'est sans doute pourquoi l'influence idéologique du Front national au sein de l'opinion publique est à ce point scrutée par les médias et les institutions universitaires. Dans l'esprit de certains, il s'agissait aussi, dans une vision hygiéniste assumée, d'évaluer la propagation du «mal», pour mieux stigmatiser les mouvances partisanes et les milieux sociaux «atteints». Cette approche est passée de mode, à l'heure où une majorité de Français considèrent excessif le nombre d'immigrés, problématique la place de l'islam dans la République, et insuffisante la défense des valeurs traditionnelles. La vision du monde promue par le parti de Marine Le Pen est devenue hégémonique, même si son programme d'action n'entraine pas une adhésion majoritaire. La question du l'euro illustre la difficulté à passer d'une approbation sur le diagnostic à une acceptation du traitement. Ainsi, sondage après sondage, les Français se montrent moins enthousiastes à l'égard de l'Union européenne et moins convaincus des bienfaits de l'euro. Dans le même temps, ils n'adhèrent pas davantage à l'idée d'un retrait de la première et d'un abandon du second. Même confrontés à une crise de résultats manifeste sur les sujets de la croissance et de l'emploi, les partis dits de gouvernement sont cependant parvenus à convaincre une majorité de l'opinion qu'il n'y avait pas d'alternative aux grandes options macroéconomiques, et donc européennes, auxquelles ils adhèrent ensemble. La propagation du vote lepéniste parmi les sympathisants de la droite classique en est singulièrement contrariée. De plus, même parmi les électeurs frontistes, une forte minorité se révèlent sceptiques quant à l'efficacité d'une rupture avec les engagements européens de la France. C'est là une différence profonde entre les électeurs du Front de gauche, qui partagent davantage des valeurs égalitaristes et étatistes, et surtout, comme l'a souligné la chercheuse Chloé Alexandre, accordent davantage d'importance à la dimension économique dans leur vote.

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